S’enfermer avec nos ados dans un voilier, qui fait au mieux quelques dizaines de mètres carré, serait la dernière chose à faire si l’on écoute « radio ponton ». Laurent Marion, fondateur du centre de formation spécialisé dans la grande croisière, Escale Formation Technique, a un avis tout à fait opposé « on entend souvent dire que c’est compliqué de partir avec des ados, alors que c’est une expérience de vie géniale de partir avec eux ! ».
Laurent est lui-même parti en 2020 avec ses trois ados âgés de 12, 14 et 16 ans pour un tour de l’Atlantique qui reste, aujourd’hui encore, un souvenir fédérateur fort pour la famille. Bénédicte et Loïc Héliès ne disent pas autre chose. Ils bouclent un premier tour du monde avec 3 enfants dont un ado de 12 ans pour qui les années « collège à bord » se sont très bien passées à tout point de vue. Bénédicte raconte « notre ainé est revenu bilingue car ses meilleurs amis étaient américains, avec un bon niveau scolaire, mais surtout le gout du sport et de la vie en plein air, un grand sens des responsabilités, le respect des adultes, beaucoup d’autonomie… » Ils ne s’arrêtent pas là, puisqu’ils repartent pour un deuxième tour du monde entre 2021 et 2024 avec les deux plus jeunes âgés de 8 et 12 ans au moment du départ, 12 et 15 ans à l’arrivée. Une expérience enrichissante pour toute la famille, qui a permis à leurs enfants, pourtant tous très différents, de développer une vraie complicité.
« Ils vont râler »
Finalement, qu’est ce qui nous fait peur dans l’idée d’embarquer nos adolescents dans cette aventure ? Qu’ils râlent, s’ennuient, ou n’adhèrent pas à notre projet et d’une manière gâchent notre rêve ? « Clairement, nous ne pouvons pas parler aux ados de la même manière qu’à de jeunes enfants. Il faut avoir un discours transparent, il faut les impliquer dans le projet, et tenir compte de leur avis » expliquent Bénédicte et Loïc. Préparer le départ avec eux est la première chose à faire, les faire réfléchir, par exemple sur le temps qu’ils vont pouvoir se libérer pour pratiquer la musique, la vidéo, les arts créatifs, ou le sport….. « A bord de Saga on a beaucoup pratiqué en famille les sports nautiques : apnée et snorkeling dans les passes, beaucoup de wingfoil, un peu de surf, du skimboard etc…. et en traversée ou pendant les temps morts, beaucoup de cuisine, du montage vidéo, du crochet, du dessin, de la lecture, des jeux de société et de nombreux films » précise Loïc. Les emmener à un séminaire grande croisière, les former et les valoriser pour qu’ils trouvent leur place à bord est indispensable. Infirmière, mécano, cuistot, le choix est large !
« Ils ne voudront jamais quitter leurs copains »
Clairement, ils sont à un âge où tout changement dans leur vie quotidienne n’est pas précisément le bienvenu. Ils risquent de manifester fortement leur désaccord au moment où nous leur présenterons le projet. S’il leur est facile de se représenter ce qu’ils vont perdre, ce qu’ils vont y gagner leur sera moins évident. Dans un premier temps seulement, car là encore les arguments sont nombreux pour les rassurer. Le premier, et pas des moindres, est qu’il est aujourd’hui beaucoup plus facile de garder le lien avec les copains. Les réseaux sociaux, internet, le smartphone, et depuis quelques temps Starlink, ils pourront choisir (ou pas) de rester connecté en permanence. Ils pourraient même documenter leur voyage sur leur réseau social préféré et devenir une star de l’influence avec leur vie de rêve sous les tropiques. La version plus raisonnable consistant à garder simplement le contact avec son groupe via sa messagerie. Bref, il est loin le temps où traverser l’Atlantique vous coupait du monde pendant deux à trois semaines.
A l’inverse, Laurent pense que » vous pourriez aussi être surpris de leur capacité à la déconnexion. Nous n’avions pas de connexion internet à bord, et durant 5 mois les GSM ont même été coupés. La désintoxication s’est faite tout naturellement. De l’immersion profonde dans les vallées capverdienne aux Tobago Cays, en passant par la transat, tout le monde à bord avait oublié le smartphone. Les quelques points wifi trouvés ici et là suffisaient amplement à garder le contact avec la terre. Beaucoup de films lus sur disque dur, de la lecture, des dessins, une tenue constante du journal de voyage faisait le quotidien. Je crois que je redouterai même de repartir avec des ados et Starlink à bord ! »
« Ils vont prendre du retard d’un point de vue scolaire »
En tant que parents, nous pourrions être un peu refroidis par l’enjeu scolaire. Est-ce que nous allons nous sentir capables de les accompagner pour ces années d’études hors du système scolaire ? Le théorème de Thalès est quand même loin derrière nous, en toute franchise. Là encore, il est intéressant d’entendre le retour d’expérience de ceux qui l’ont fait, « notre fils avait déjà fait une année de sixième au collège, il avait acquis l’autonomie nécessaire pour suivre seul ses cours du CNED » nous raconte Bénédicte. Au retour à terre, ils ont un super niveau d’anglais en particulier à l’oral, et sont très autonomes dans le sens où ils savent bosser tout seuls et ne le font pas pour faire plaisir aux adultes mais pour progresser. « De notre côté, nous avons décidé de ne pas choisir le CNED. Ils sont partis avec des bouquins très bien faits correspondant à leur année scolaire dans toutes les matières, et ils ont avancé seuls ou avec notre aide » renchérit Laurent. Dans les deux cas, aucun problème pour suivre les cours au retour. Et puis, même s’il fallait redoubler une année pour rattraper un petit retard, est-ce que le jeu n’en vaut pas quand même la chandelle ? Tout ce qu’ils auront appris ne sera pas forcément validé par un bon bulletin, mais la valeur est certainement tout aussi importante. Ils auront appris à se connaitre, pris confiance en eux, seront fiers d’avoir assuré durant cette année si différente.
« Ils vont perdre le rythme, le retour sera une catastrophe »
Au final, ils risquent peut-être bien, au contraire, d’avoir du mal à revenir. C’est aussi quelque chose qui peut nous freiner. Vont-ils savoir se remettre dans le système ? Ne vont-ils pas être complètement en décalage avec leurs amis au retour ? Laurent nous rassure « une pause d’un an, c’est une énorme ouverture au monde, à la Nature, à l’environnement, mais attention, un an c’est une étincelle ». Le gros challenge, c’est de ne pas gaspiller l’acquis du voyage (ralentissement du rythme, ouverture aux autres, porosité avec l’environnement naturel) en replongeant trop vite dans le « métro/boulot/dodo ». Il est fort probable qu’au retour, personne, ni rien, n’ait beaucoup changé, tandis que vos ados et vous serez certainement différents dans votre appréhension du monde. C’est vrai pour les enfants qui peuvent percevoir un différentiel de maturité important avec leurs copains, c’est vrai aussi pour les parents d’ailleurs. En fait, c’est quelque chose qu’il faut préparer assez tôt. Comment allez-vous anticiper cela ? Quels seront vos projets pour l’après ? Discuter de tout cela avec vos ados à bord, plusieurs mois avant votre retour effectif engendrera certainement des débats passionnants et enflammés. Vous apprécierez alors qu’ils partagent avec vous leur réflexion sur l’avenir au cours de quarts de nuit en tête à tête, plus favorables à la discussion et aux confidences que le trajet en voiture entre le collège et la maison.
Par ailleurs, reconnaissons qu’il serait bien agréable de pouvoir compter sur eux à bord, sur leur énergie, pour prendre leurs quarts, participer aux manœuvres et cuisiner à la gîte. Partager cette aventure avec eux, avoir l’assurance qu’ils en garderont des souvenirs pour toute la vie, ça compte.
Alors prêts au départ ?
Inscriptions Séminaire Grande Croisière Paris, les 1er et 2 février 2025